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Pierre Justin GIBUS,

porcelainier

 

 

Le 29 décembre 1857, Eloi GIBUS, descendant d'une vieille famille limougeaude, reçoit la médaille de Sainte-Hélène, créée la même année par Napoléon III pour récompenser les 390 000 soldats encore vivants à cette date, qui ont combattu pour Napoléon Ier pendant les guerres de l'Empire, de 1792 à 1815. Caporal au 3ème bataillon de Haute-Vienne, il a eu la chance de survivre et de pouvoir revenir à Limoges, où il va habiter chez son père, boulanger rue du Pont-Saint-Etienne. A 31 ans, militaire pensionné, il épouse à Limoges, le trois septembre 1806, Pétronille CELERIER, de onze ans sa cadette.

 

Le ménage aura au moins six enfants, dont certains meurent fort jeunes, comme il est courant à l'époque[1] :

-    Marguerite, née le 9 juin 1807, est décédée le 19 mars 1823

-            Un enfant mort-né en 1808

-            Simon, né le 2 mars 1810, est décédé le 11 décembre 1811

-            Sylvain, né le 18 décembre 1812

-            Pierre Justin, né le 9 janvier 1821

-            Marie, née le 9 janvier 1829, est décédée trois jours après.

 

Eloi, quoique pensionné, a repris le métier de son père; il est boulanger rue Basse-Cité; c'est là que naît son fils Pierre Justin, en 1821.

 

La rue Basse-Cité se trouve à proximité du "quartier des Ponticauds, l'un des plus anciens de Limoges, limité d'un côté par la cité épiscopale et, de l'autre, par la Vienne qu'enjambaient, au milieu du XIXème siècle, trois ponts. Là vivait tout un peuple de pêcheurs, de lavandières, et, surtout, de marchands de bois qui recueillaient les rondins venus par flottage et les empilaient sur les berges du port du Naveix pour les distribuer aux diverses fabriques de porcelaine qui formaient l'essentiel de leur clientèle" (A)[2].

 

"Quelques années plus tard, toute la famille s'installe près du pont St-Etienne, 16 rue des Petits-Carmes. C'est là que Pierre Justin passera une grande partie de son existence et qu'il rencontrera ceux qui deviendront ses associés : Alpinien MARGAINE et Martial REDON, plus jeunes que lui de 5 ans, étaient des fils de marchands de bois et, tout enfants, ils ont été en contact non seulement avec les charretiers qui venaient prendre leur chargement de combustible pour les fabriques de la ville, mais encore avec les ouvriers porcelainiers qui vivaient en grand nombre dans ce quartier populeux" (A).

 

Gamin, Pierre Justin est le chef de la bande de gamins de son quartier, avec pour camarades donc, entre autres, Alpinien MARGAINE et Martial REDON ; il est vraisemblable que par la suite, ils suivent les cours de la Société d'Agriculture, ancêtre des Ecoles d'Arts Décoratifs, en plus de petits emplois non rémunérés dans les fabriques ou sur le port. Il semble que Pierre Justin n'ait pas eu de difficultés à s'intégrer dans ce milieu, probablement aidé en cela par la considération inspirée par la fortune de son père. Il y jouait semble-t-il un rôle d'intermédiaire, y déployant une telle activité qu'il en paraissait le vrai patron. Lors de la révolution de 1848 - il avait alors 27 ans - il fut d'ailleurs conspué par les ouvrières à cause de sa férocité concernant les rendements et les salaires. (G)

 

A 19 ans, il perd sa mère, décédée le 14 avril 1840, à l'âge de 53 ans.

 

 

GIBUS ET CIE, 1853-1871

 

L’Empire (le second) avait été proclamé le 2 décembre 1852, au profit de Napoléon III. Il débuta pour la France par une période de grand essor économique, caractérisée par l’avènement du capitalisme industriel et l’affirmation du libéralisme économique. A cette époque, Limoges regroupe à peu près les trois-quarts des activités porcelainières françaises (I).

Profitant de cette conjoncture favorable, en 1853, les trois associés louent au lieu dit « le Pré des Bénédictins », 2 rue des Trois-Chatains[3], les locaux de la manufacture GORSAS et PERIER. "Ils y installent une fabrique équipée de trois fours au bois." (A)

"A 32 ans, Pierre Justin GIBUS est un technicien accompli" et, probablement en partie grâce à l'aide financière de son père[4], il est chef d'entreprise, "seul nommé dans l'association GIBUS, MARGAINE et REDON". (A)

Alpinien MARGAINE, né à Limoges le 7 janvier 1826, est un "artiste, ancien élève des écoles de dessin et de modelage patronnées par la Société d'Agriculture, Sciences et Arts; c'est lui-même qui dirigeait l'exécution des modèles en porcelaine dont la beauté, l'élégance, la pureté de forme, le goût irréprochable, caractérisent la fabrication de cette maison (Almanach limousin 1879, p.160)" (A, B). "En 1852, il est associé avec Pierre Léon SAZERAT (né à Limoges le 10 avril 1831) dans la fabrique Touze, fondée quatre ans plus tôt, 10 boulevard St-Maurice. En 1853, il le quitte pour rejoindre Pierre Justin GIBUS et Martial REDON, dans la fabrique voisine" (A).

Martial REDON, né à Limoges le 16 mars 1826, "est probablement chargé de la partie administrative et, à ce titre, il est membre de la commission d'admission à l'exposition de Londres en 1861." (A)

 

C’est l’époque des expositions universelles, inaugurées par celle de Londres en 1851. Véritables vitrines permettant de présenter les produits de la porcelainerie limousine à des millions de visiteurs venus du monde entier, elles vont avoir une grande importance pour l’industrie limousine, permettant aux exposants d’élargir leur champ d’action et leur renommée. Les prix qu’ils pouvaient y obtenir leur servaient ensuite de référence et constituaient une publicité supplémentaire.

"Deux ans après sa fondation, la fabrique GIBUS & Cie est honorablement représentée à l'exposition universelle de Paris de 1855[5], où elle présente des articles de luxe, des séries de biscuits ; la critique vante la beauté de son blanc et l'élégance de ses modèles." (A) L.W. RAVENEZ, dans son Aperçu statistique de l'exposition de Limoges en 1855, qualifie "d'un beau blanc et d'une belle cuisson" les objets présentés.(H)

 

A cette époque, les porcelainiers sélectionnent avec soin les meilleurs kaolins, afin d'obtenir les blancs les plus purs possibles; certains comme Gibus, Ardant, Pouyat, ont l'audace, alors que les décors très chargés de polychromie (emploi sur le même objet de différentes couleurs) étaient à la mode, de présenter au public des pièces remarquables par leur simplicité, leur forme et leur blancheur, qui incitèrent le public à parler des fameux blancs de Limoges.

 

"En 1858, à l’Exposition du centre de la France, Gibus reçut une médaille d’or pour la qualité de sa production. La même année, la critique fit les éloges de cette fabrication : « L’étalage entier de la maison Gibus, ses fonds bleus surtout ont enlevé tous les suffrages. On se croirait devant une exposition de porcelaine de Sèvres ». La manufacture montra ainsi très tôt son intérêt pour les décors de grand feu. Sans doute est-ce pour cette raison qu’elle fut l’une des premières et des meilleures pour les fameux décors de pâte sur pâte posés sur fond de couleur de grand feu. Salvetat lui-même reconnut la prééminence de la société Gibus dans ce domaine." (I)

 

Pierre Justin a élu domicile à Paris, probablement, au moins en partie, pour assurer la commercialisation des produits de son usine. Il s’y marie le 21 novembre 1859 avec Louise Clothilde Pauline FLAHAUT, née à Paris le 18 avril 1837, fille de Charles Etienne Joseph et de Laure Clotilde Anna VIGUIE.

 

Le 28 mai 1860, Martial REDON épouse à Limoges Léonarde Sophie DELOR ; il choisit pour témoins ses associés, Alpinien MARGAINE et Pierre Justin GIBUS, lequel habite encore à Paris, 39 rue Paradis-Poissonnière, où va naître, quelques mois plus tard, son fils Eloi Laurent Louis, le 17 août à 22 heures.

 

En 1861, l'usine emploie 193 personnes (selon l'état nominatif des fabricants de porcelaine de Limoges) et effectue de huit à douze allumages par mois, ce qui correspond à une fabrique de moyenne importance.(A) (Alluaud et Pouyat dépassent alors à peine les 200).

 

Le 15 décembre 1864, Pierre Justin déclare la naissance de sa une fille Clotilde Pauline Lucie, née l’avant-veille à neuf heures du matin à son domicile, 35 bd de Strasbourg à Paris, 10ème. La même année, l’effectif de l’usine atteint 208 personnes pour un chiffre d'affaires de 463 000 francs, dont 288 000 francs de porcelaines vendues à Paris, soit dans leur magasin 39 rue Paradis-Poissonnière, soit aux détaillants et aux décorateurs, et 175 000 francs pour Limoges; cette partie de leur production sera désormais réservée à Haviland[6] & C° (lettre H10 du 11 septembre 1865). (A)

 

"La production de la fabrique des Trois-Chatains est de tout premier ordre, tant par la blancheur de la pâte que par l'élégance des formes, le modelé et la grâce des sculptures, et fait référence. Les contemporains ne s'y sont pas trompés; Charles HAVILAND, qui n'a pas l'habitude d'être tendre avec ses concurrents, écrit :" (A)

Le 16 décembre 1865, à propos d'un nouveau fabricant : "… M. JULLIEN a la réputation d'être le meilleur fabricant de France; tous ses ouvriers sont à la journée; il cuit au bois, c'est lui qui nous livrera la plus belle porcelaine; ce sera au moins du GIBUS".

Et en 1868 : ""Je fais des efforts désespérés pour que notre production soit aussi bonne que celle de GIBUS". D'ailleurs, dès 1865, il sous-traite avec GIBUS, et obtient qu'il lui réserve toute la production dont il peut disposer, et cela afin que les commissionnaires exportateurs, comme VOGT et AHRENFELDT, ne puissent l'acheter et concurrencer HAVILAND sur le marché américain." (A)

 

La fabrique Gibus (et d'autres, dont Alluaud, Pouyat, Bétoule) fournit donc aussi en porcelaine blanche des ateliers de peinture; en particulier, des files de charrettes sans arrêt transportent le blanc jusqu'à l'usine Haviland, où les attendent les peintres dans les ateliers inondés de lumière.

Porcelainiers et peintres se croisent dans les fabriques où ces derniers viennent surveiller l'exécution de leurs commandes, et … espionner les nouvelles techniques; la guerre est pacifique, mais sans merci; tous se retrouvent aussi au café Pertat, place Dauphine [7].

 

Des évènements extérieurs vont venir perturber cette réussite : d’abord la campagne d’Italie en 1859, puis de 1861 à 1865, la guerre de Sécession aux Etats-Unis, qui ferme temporairement un débouché important; ensuite, "une hausse brutale de l'or de 15%, le 18 octobre 1866, à la bourse de New-York, provoque une longue crise économique" (B). Mais l'industrie de la porcelaine surmontera ces crises.

 

En 1865, Pierre Justin perd son père, Eloi GIBUS, décédé le 19 mai à Limoges. Sa fille Clotilde Pauline Lucie décèdera à Paris l’année suivante, le 30 novembre, deux semaines avant l’anniversaire de ses deux ans.

 

Henri ARDANT réussit le premier à mettre au point le céladon, pâte de porcelaine colorée en vert dans la masse; il est aussitôt suivi par GIBUS dont les recherches aboutiront également à la découverte d'autres couleurs, telles que beige rosé ou bleu; ces fonds valorisent de façon parfaite les décors en barbotine, non plus seulement blanche, mais de toutes teintes.

 

Les porcelainiers utilisent souvent les services d’artistes venus de l’extérieur ; par exemple le sculpteur Paul Comolera (1818-1897), élève de Rude, venu de Paris, travaillera pour Gibus mais aussi pour Pouyat et Ardant (pour ce dernier, en 1867).

 

A l'exposition universelle de Paris de 1867, GIBUS & Cie utilise ces nouvelles couleurs pour présenter "des vases à fond coloré de grand feu, avec figures en bas-relief réservées en biscuit mat ou émaillé, ou, encore, traitées en barbotine [8]; des pieds de lampes en bleu de four marbré "d'une réussite parfaite", des pièces où s'entremêlent la décoration peinte et le biscuit blanc ou teinté souvent en vert et, parfois, en divers tons de gris que la critique trouve un peu tristes" (A); "de ravissantes assiettes blanches à aile céladon ornées d'une guirlande de fleurs en barbotine, blanche elle aussi ; elles s'y trouvent au milieu de vases à couleur de grand feu, bleu ou céladon, avec figures en bas-relief en blanc, soit en porcelaine émaillée, soit en biscuit mat soit encore en barbotine" (B). Le Kuntgewerbemuseum de Berlin acheta un vase conique décoré d'une figuration de Flora, le South Kensington Museum de Londres (devenu le Victoria et Albert Museum) fit l'acquisition d'une assiette à fond brun et gris, décorée en son centre d'un buste féminin de profil et sur son marli de quatre cartouches séparés l'un de l'autre par quatre griffons se faisant front. On retrouve une composition similaire , mais à fond bleu foncé, sur une boîte à bijoux conservée au Musée national Adrien Dubouché (voir photo). Le décor en pâte-sur-pâte est probablement l'œuvre d'Alpinien MARGAINE. La fabrique Gibus faisait également appel aux services d'un second artiste employant la technique de la pâte-sur-pâte, le sculpteur F. PEYRAT (en particulier en 1868). Ce dernier semble, dans ses compositions, avoir préféré les thèmes classiques ; le vase Flora mentionné ci avant pourrait compter parmi ses oeuvres. Une assiette conservée au musée Adrien Dubouché, décorée d'une nymphe assise dans une coquille tirée par deux dauphins et accompagnée de deux Cupidons, porte la signature de Peyrat et la date de 1868. Parmi d'autres pièces de Gibus décorées selon la technique de la pâte-sur-pâte et conservées dans ce musée, on remarque une tasse et sa soucoupe décorées de guirlandes, de palmettes et de branchages feuillus (voir photo) ainsi que deux assiettes et une paire de pieds de lampes, tous décorés de feuillages naturalistes. Il est possible que les assiettes, datées de 1867, aient été exposées à Paris cette année-là (H).

Les porcelainiers limousins ont rarement utilisé le métal précieux. En 1867, GIBUS présente des vases sertis de garnitures en cuivre doré dont le critique Edouard HERVE regrette "l'empâtement et la grossièreté". La leçon fut retenue par Alpinien MARGAINE; quand il réalisa, entre 1867 et 1871, une aiguière à décor de grand feu brun et turquoise, avec anse en femme ailée en métal argenté, il confia à l'orfèvre Christophle, l'exécution de l'anse ouvragée. Il y exécute des médaillons à sujet mythologique en pâte rapportée, c'est-à-dire en barbotine, dans le genre des émaux limousins. "Pour réaliser ce décor complexe, le dessin en était reporté au crayon sur la pièce en porcelaine, recouvert de barbotine, ensuite retravaillé avec de petits outils et même des aiguilles, donnant des effets de plus ou moins grande transparence suivant l'épaisseur de la couche de barbotine. Ce travail exigeait non seulement une grande habileté manuelle mais aussi une immense patience. La pureté et la translucidité de cette barbotine, a été remarquablement mise à profit par Alpinien MARGAINE pour cette aiguière. De subtiles transparences font frissonner les drapés à l'antique qui habillent à demi les corps blancs des dieux et déesses figurant sur l'aiguière ainsi que sur son plateau de présentation" (B).

 

"Il semble que dans les années 1860, Gibus fut avec Alluaud et Pouyat le fabricant le plus remarquable de Limoges. Il s’attacha comme eux à perfectionner la notion de blanc, comme le prouve le fameux tête-à-tête Diamant présenté à Londres en 1862. Proche par la forme du tête-à-tête Mousseline de Pouyat présenté en même temps, il confirmait les capacités des entreprises limousines. La critique avait souligné alors que cette manufacture se situait volontairement dans la production de luxe, au même titre que des fabricants comme Ardant ou Jullien. C’est pour cela qu’il fit appel à un certain nombre d’artistes, parmi lesquels on peut citer Baylac qui réalisa un vase remarquable par sa finesse, encore une fois digne de l’orfèvrerie.Une vasque extraordinaire, non localisée aujourd’hui, semble avoir pris place également dans le cadre de ces objets purement artistiques. Il s’agit d’une grande jardinière présentée en 1878 dont les pieds de bronze s’appuyaient sur quatre chevaux marins au mouvement de serpent. La vasque elle-même était décorée en pâte sur pâte grise et rose « d’un aspect très aimable ». Comme Ardant, Gibus s’essaya à obtenir des pâtes de couleurs originales telles que le beige et le gris. Le petit nombre d’objets réalisés dans ces couleurs peu chatoyantes prouve qu’elles furent peu utilisées. "(I)

 

Vers la fin des années 60, Pierre Justin est revenu vivre à Limoges ; une seconde fille va y naître, Cécile Marie Marcelline, le 24 mai 1868; elle mourra à l'âge de 20 mois, le 5 mars 1870.

 

En mars 1869, on note encore une commande de 1000 services "Rubis" passée par Haviland & C° à Gibus & Cie.

"La demande devient telle que la capacité de production de la fabrique des Trois-Chatains est insuffisante. En mai 1869, GIBUS & Cie obtient l'autorisation de construire une nouvelle fabrique faubourg des Casseaux." (A) La même année, Pierre Justin GIBUS est élu par ses concitoyens pour siéger au tribunal de commerce ; il y est d'abord juge suppléant puis juge titulaire jusqu'en 1877. "Esprit pratique autant qu'éclairé, travailleur infatigable, il rendit de signalés services au sein de cette compagnie judiciaire" (almanach limousin 1898).

 

Le 19 juillet 1870 éclate la guerre avec l'Allemagne; les hommes sont mobilisés, beaucoup tomberont avec le 71ème Mobiles ; les chemins de fer sont paralysés ; en septembre, Charles HAVILAND écrit à son frère :

"Metz s'est rendue. Presque toutes les fabriques sont fermées. Gibus, Alluaud, Pouyat, Guéry et Charles Field sont les seules encore ouvertes, mais à mi-temps seulement…"

Le 2 septembre, Napoléon III est fait prisonnier avec son armée ; l’Empire s’écroule, la République est proclamée le 4 septembre. Adolphe Thiers est désigné comme chef du pouvoir exécutif.

 

"L’année 1870 voit aussi la naissance à Limoges du mouvement syndical ouvrier[9], avec la fondation de trois syndicats : l’Initiative, chambre syndicale des ouvriers et ouvrières porcelainiers, la chambre syndicale des peintres sur porcelaine, et la Loyale, qui regroupait les useurs de grains, les polisseurs et les employés des magasins de porcelaine. Ces trois syndicats se regroupèrent au sein de la Fédération des syndicats ouvriers de Limoges qui s’affilia à l’Internationale ouvrière" (I).

Juste avant le transfert de l'usine, en janvier 1871, "une grève[10] éclate chez GIBUS, qui est alors l'une des principales fabriques de porcelaine et la plus réputée, à cause de la fente (une retenue proportionnelle au nombre de pièces fendues en cours de cuisson, appliquée aux salaires des ouvriers) et de la volonté patronale de faire entrer et sortir les ouvriers à la cloche, même pour ceux travaillant à la tâche et aux pièces. L'Initiative apporte son soutien aux grévistes, mais le patron ne cédant pas, ceux-ci vont s'inscrire aux chantiers municipaux (ouverts pour limiter les effets du chômage) et le syndicat défend à ses adhérents de travailler pour GIBUS pendant cinq ans[11]". (D)

A partir du 18 mars 1871 se déroulent à Paris les sanglants événements de la Commune[12].

 

Ce n'est finalement que le 1er juillet 1872 que GIBUS et REDON emménageront dans la nouvelle usine. "Voilà ce qu'écrit Charles HAVILAND à ce sujet :

Limoges le 20 mars 1872 - Tu sais que Gibus quitte sa fabrique le 1er juillet pour s'installer dans sa nouvelle fabrique; mais tu ne sais pas que Margaine a renoncé à prendre une participation et qu'il a quitté l'affaire le 1er janvier. J'ai pensé que ce serait une bonne idée de louer la fabrique Gibus et de prendre Margaine comme directeur. Je lui ai demandé ce qu'il en pensait et le résultat de notre conversation a été qu'il veut se reposer un an et, si au bout de cette période il en a assez de ne rien faire (il a 46 ans), il viendra me demander un emploi…

Alpinien MARGAINE, sans doute malade, ne reprendra pas ses activités et mourra le 3 décembre 1878 " (A), à son domicile, 40 avenue de Juillet[13].

 

 

GIBUS & REDON, 1872-1881

 

"La nouvelle fabrique était située au 7 faubourg des Casseaux; elle possédait 3 grands fours au charbon et, avec un effectif de 250 personnes, venait au 4ème rang[14] après HAVILAND, ALLUAUD et POUYAT." (A)

 

La concurrence entre les fabriques était féroce mais n'empêchait pas cependant les fabricants de s'entendre entre eux quand l'intérêt commun le commandait. Le 24 octobre 1872, Charles HAVILAND écrivait : "J'ai vu Guerry et Delinières et leur ai donné un exemplaire du tarif Alluaud. Ils verront Ardant, Gibus et Gâté et nous tiendront au courant de leur nouveau tarif. Ils ont informé l'agent de Vogt qu'ils allaient augmenter leurs prix et écriront à Charles Vogt à qui ils doivent envoyer une facture …"

 

GIBUS & REDON avait maintenant une taille suffisante "pour s'attaquer directement au marché américain[15]. HAVILAND se plaint (28 novembre 1874) que, pour enlever les commandes, GIBUS accorde de six à vingt-cinq pour cent d'escompte sur le tarif courant. Cependant, cette concurrence quelque peu agaçante n'avait pas entamé les bonnes relations qu'HAVILAND entretenait avec GIBUS, qui habitait alors à quelques pas de chez lui, 50 cours Gay-Lussac, ce qui, à cette époque où le téléphone n'existait pas, facilitait grandement les contacts. HAVILAND sous-traitera encore quelquefois avec GIBUS; ainsi, un sucrier du "service parisien" de Bracquemond (1876) porte, outre l'estampille de décor Haviland, les lettres GR en creux, marque de la nouvelle fabrique des Casseaux."(A)

 

Usine Gibus et Redon - mai 1889


Alpinien MARGAINE, devenu rentier, est témoin à la naissance de la troisième fille de Pierre Justin, Emma-Antoinette-Marie GIBUS, née à Limoges le 21 décembre 1875.

 

"A l'exposition universelle de 1878 à Paris, la troisième organisée dans cette ville après celles de 1855 et 1867, GIBUS & REDON présentent encore des porcelaines de grand feu où ils excellent et, notamment, de grands vases ornés de médaillons peints en barbotine par M.PEYRAT, des porte-bouquets à couleur sous émail rehaussées d'or, des vases d'un bleu de four - ou bleu de cobalt[16] - très réussi, une buire à fond vert et brun de grand feu, de forme élégante à ornements de pâte rapportée et des statuettes en pâte grise ou ivoire auxquelles la critique reproche une certaine raideur. Ils présentent aussi des porcelaines blanches de luxe et courantes, dont la qualité est très remarquée. Adrien DUBOUCHE, quant à lui, conclut : "Voilà une fabrication intelligente et savante qui a découvert tous les secrets de l'expérience où tout se présente magistralement". Cette belle prestation, qui ressemble beaucoup à celle de 1867, incite à penser qu'il pourrait s'agir là de pièces de prestige et que la production de GIBUS & REDON s'était peu à peu tournée vers la porcelaine de table beaucoup plus rentable que la céramique d'art. Victor de LUYNES, dans son rapport de l'exposition universelle de 1878, note que cette maison a largement contribué au progrès de l'industrie et a été parmi les premières à introduire des machines à calibrer les assiettes[17], actionnées par des machines à vapeur." (A) GIBUS & REDON, comme d’ailleurs HAVILAND et POUYAT, obtiennent à cette occasion une médaille d’or.

 

A l'exposition des Beaux-Arts de Limoges en 1879, Gibus & Redon présenta des pièces décorées en pâte-sur-pâte, dont une jardinière et plusieurs vases décorés dans le style de l'époque : branchages feuillus, fleurs et sujets chinois. La plupart, sinon la totalité, de ces pièces devaient être l'œuvre de C. PEYRAT. (H)

 

"Pierre Justin GIBUS se retire en 1881 et consacre ses loisirs à des fonctions honorifiques : nommé administrateur délégué de la Banque de France en 1882, élu membre de la chambre de commerce en 1883, il en devient le trésorier de 1889 jusqu'à sa mort le 19 mai 1897, à 76 ans[18]. On raconte que, lorsqu'il sortait en ville, il portait toujours un superbe haut-de-forme, invention de ses cousins Antoine et Gabriel GIBUS. A son décès, il habitait encore au 50 cours Gay-Lussac." (A) Son épouse l’avait précédé dans la tombe, 3 ans et une semaine auparavant, le 12 mai 1894.

 

 

Martial REDON & Cie, 1882-1896; etc.

 

"Après le départ de Pierre Justin GIBUS, Martial REDON, qui était propriétaire des bâtiments, dirige seul l'affaire, lui donnant une vocation beaucoup plus industrielle". (A) Il a pris soin de former son fils Joseph, qui reprend la fabrique après son décès, survenu le 3 janvier 1891. "Après une courte collaboration avec DEMARTIAL (1897-1898), Joseph REDON s'associe en 1902 à BARNY et RIGONI (raison sociale REDON, BARNY et RIGONI) puis cède la place à LANGLE (raison sociale LANGLE, BARNY et RIGONI) en 1904"(A), année qui voit aussi l’entrée dans la société de Paul et Charles JOUHANNEAUD.

"En 1906, Paul JOUHANNEAUD et son fils Charles rachètent les parts de RIGONI et LANGLE. La raison sociale devient "La Porcelaine Limousine" (1906-1938). BARNY se retire à son tour en 1912 et vend ses parts à Georges MAGNE, neveu de Paul JOUHANNEAUD. La guerre survient; Charles JOUHANNEAUD, excellent chimiste, n'en reviendra pas. En 1918, son père vend la totalité de ses parts à Georges MAGNE qui présidera aux destinées de la fabrique jusqu'à sa fermeture en 1938." (A)

 

"Pendant la guerre, les bâtiments désaffectés sont occupés par l'armée. En 1945, Alexandre CHASTAGNER reprend cette usine très délabrée. Il doit réparer les fours et remplacer toutes les machines; par chance, les moules, modèles et noyaux, qui remplissaient les importants greniers, ont été épargnés. Après six mois de remise en état, la manufacture peut effectuer ses premières livraisons (juillet 1946). Dans ces ateliers vétustes et mal agencés, Alexandre CHASTAGNER s'attacha à fabriquer le mieux possible, soignant tout particulièrement la qualité de son blanc. Il décida ensuite d'abandonner cette vieille fabrique et fit construire, en 1955, tout près de là, au 20 faubourg des Casseaux, sur un terrain de 15 000 m2, une usine moderne." (A)

 

Les locaux, à l’adresse du 20 faubourg des Casseaux, auraient été détruits par un incendie en 2004, les ruines rasées pour des raisons de sécurité.

 

 

ANNEXES :

 

1 - LES MARQUES

Le ministre BERTIN, par un arrêt du Conseil du 15 février 1766, oblige toutes les fabriques de pâte tendre ou de porcelaine dure, à marquer leur production d'un signe distinctif afin qu'on ne puisse la confondre avec celle de la Manufacture royale de Sèvres. La révolution ayant aboli les privilèges, la pratique du marquage, n’étant plus obligatoire, est abandonnée ; on ne trouve que très rarement des porcelaines marquées dans la première moitié du XIXème siècle, ce qui rend leur identification très difficile. Il faudra attendre les premières expositions universelles pour que les fabricants commencent à marquer systématiquement leur production.

Comme la plupart de ses collègues, GIBUS ne marque généralement pas sa production ; la pratique du marquage ne se généralisera à Limoges que dans le dernier quart du XIXème siècle, car elle présentait des inconvénients ; Charles HAVILAND, qui fut un des tout premiers à l'adopter, l'explique à son frère, le 4 mars 1869 :

"Ce serait très bien si nous pouvions estampiller toutes nos marchandises, mais pour cela, il est indispensable que notre porcelaine soit la meilleure et qu'elle soit toute fabriquée par nous. Or, nous avons passé commande de 1000 services de table "Rubis" à Gibus, l'estampillage pourrait se retourner contre nous lorsque notre clientèle se rendrait compte que nous leur livrons de la porcelaine d'autres fabricants".


Tableau des marquages utilisés :

 

2 - L'ENERGIE

Limoges étant desservie à partir de 1857 par le chemin de fer, la houille, devenue moins chère, va remplacer le bois comme combustible pour la cuisson de la porcelaine ; Charles Haviland, dans une lettre à Théodore du 24 octobre 1865, compare les fabriques ; parmi les plus belles porcelaines de Limoges, il classe Pouyat, Ardant, Gibus, qui cuisent encore au bois, mais aussi Alluaud, qui cuit à la houille.

En 1858, sur 62 fours que comptait le Limousin, dix cuisaient à la houille ; en 1865, sur 52 fours, 19 cuisaient au bois et 33 à la houille ; en 1900, sur 114 fours, seulement 12 fonctionnaient au bois.

« Le passage du bois au charbon a aussi pour effet de faire fleurir au-dessus de la ville des panaches de fumée noire, qui font pleuvoir des escarbilles aux alentours. Les laveuses dont les retombées des fours détruisent le travail, sont allées se plaindre à la mairie, mais peut-on lutter contre une industrie qui fait vivre la ville ? Le maire et ses adjoints se sont déplacés, sont venus voir les laveuses sur leur lieu de travail, ont constaté le problème, et… n’ont rien fait… Rien n’a changé. Maintenant, les femmes, tout en lavant le linge de ces beaux messieurs et belles dames de la ville, crient « alerte » quand Alluaud ou Gibus allument un four. Les laveuses se relèvent précipitamment, ramassent le linge qui sèche sur les cordes et couvrent celui qui s’égoutte sur les tréteaux. Elles jurent contre ces assassins. Certaines s’en vont au café se consoler et se réconforter d’un verre de vin blanc ou plusieurs. […] C’est le progrès. Comme rien n’arrête le progrès, il faudra continuer à subir la pollution par les fumées[19]. »

 

 

Principales sources :

 

A - Jean d'Albis, Céleste Romanet - La porcelaine de Limoges - Editions Sous le vent, Paris 1980

B- Edith Mannoni - Porcelaine de Limoges - Massin éditeur

C - C. Meslin-Perrier/JP Gratien - La porcelaine de Limoges - éditions Ouest-France

D - Jean Bourdelle - Limoges (1870-1919) la mémoire ouvrière - éditions Pierre Fanlac, Périgueux

E - Patrick DUPONT, conservateur des musées de France - Porcelaines françaises aux XVIIIème et XIXème siècles - Les éditions de l'Illustration BASCHET & Cie, 13 rue St-Georges, Paris 9ème

F - Etat-civil : archives communales de Limoges et départementales de la Haute-Vienne

G - Renseignements fournis par M. Alain BARON

H - Porcelaine de Limoges du 18ème siècle à l'Art Nouveau, Dossier de l'Art n°12, mai-juin 1993

I – Limoges – Deux siècles de porcelaine – Chantal Meslin-Perrier et Marie Segonds-Perrier – Lés éditions de l’Amateur – Réunion des Musées nationaux

 

 



[1] En 1820, la France compte environ 30 millions d’habitants ; le nombre d’enfants nés vivants cette année-là dépasse les 950 000 ; un tiers d’entre eux n’atteindra pas l’âge de 10 ans. En 2004, pour une population de 60 millions d’habitants, le nombre de naissances annuel est inférieur à 800 000.

[2] Voir liste des sources en annexe.

[3] Il semble que les locaux existent encore, au moins partiellement, en 2007,  occupés par un magasin de stockage des Meubles Arnaud ; l’adresse actuelle est Forum des Bénédictins, 2 avenue de Locarno, Limoges. Voir l’historique en annexe 3.

[4] Eloi GIBUS semble avoir eu d'importants moyens financiers ; il apparaît souvent comme prêteur d'importantes sommes d'argent qu'il a parfois du mal à se faire rembourser, ce qui donne lieu à des procès (1 000 F le 11 juin 1851, puis 500 F, selon les archives des tribunaux) (G).

[5] A cette exposition sont représentées 16 porcelaineries limousines, contre 4 seulement à Londres en 1851.

[6] En 1839, David Haviland était commissionnaire et importateur de porcelaine et de faïence anglaises à New-York. En découvrant la porcelaine française, il la trouva fort belle et en 1841, il s’installe à Limoges, et exporte à New-York la porcelaine locale ; en 1847, il ouvre un petit atelier de décoration ; en 1855, il crée sa propre fabrique, qui devient vite la plus importante de Limoges.

[7] La place Montmailler est rebaptisée place Dauphine en 1781, à l'occasion de la naissance du Dauphin; à la Révolution, elle devient place de la Liberté, jusqu'en 1820; puis reprend le nom de place Dauphine; le 14 juillet 1882 (ou 1892), elle prend le nom de Denis-Dussoubs, avocat, né à St-Léonard le 20 août 1818, mort sur une barricade rue du Petit-Carreau, le surlendemain du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, le 4 décembre 1851; sa statue, réalisée vers 1892 par Léon Bardelle, sculpteur né à Limoges en 1865, élève de Bonassieux, Dumont et Thomes, qui ornait la place, disparaît pendant la seconde guerre mondiale, fondue par les Allemands pour en récupérer le métal; la place conserve encore aujourd'hui le nom de Denis-Dussoubs.

[8] La barbotine est de la pâte de porcelaine que l'on dilue dans l'eau en la remuant ; depuis des siècles, elle sert à fixer au corps d'une pièce, vase, terrine, tasse, de petits éléments surajoutés, tels que les anses, les prises de couvercles, les pieds. Au XIXème, la barbotine, à Limoges, a trouvé un emploi bien plus original, fin et artistique ; elle orne de dessins en très léger relief des fonds en couleur de grand feu, procédé appelé alors "pâte sur pâte". La peinture à la barbotine terminée, la pièce était émaillée et cuite à petit feu.

La fabrique de Gibus, très inventive, a lancé ces décors ; des porcelainiers raffinés, excellents techniciens bien que possesseurs de fabriques de taille modeste, l'ont magistralement utilisée : GIBUS, MARGAINE et REDON, donc, d'une part, Henri ARDANT de l'autre. Léon ARNOUX, né à Toulouse en 1816, directeur artistique de la fabrique Anglaise de Minton depuis 1849, présenta dans un article paru dans The Illustrated London du 14 septembre 1867, consacré à l'exposition universelle de Paris de 1867, la fabrique Gibus comme la meilleure du groupe limousin à tous les égards et plus particulièrement for beauty of material, good models neatly manufactured, and lightness combined with elegance of form in the small articles. Quelques années plus tard, SALVETAT, faisant de son côté l'éloge des œuvres de Gibus décorées en pâte-sur-pâte, nota : Plusieurs fabriques d'ailleurs excellent dans ce genre de décoration. Je citerai Gibus et Redon de Limoges… Il ne mentionna aucune autre fabrique de Limoges. (H)

[9] La bourgeoisie industrielle et commerçante exerce, par sa position économique, une influence sur toutes les autres catégories sociales, et sur les administrations ; mais elle va être fortement concurrencée sur le plan politique et social par l’activité et la puissance du mouvement ouvrier limousin.

[10] Le droit de grève a été acquis en 1864.

[11] La population des villes est alors en hausse constante, continuellement alimentée par l’exode rural qui bat son plein pendant toute la seconde moitié du XIXème siècle. Mais si la main d’œuvre non qualifiée est disponible en abondance, malgré le déficit dû à la guerre de 1870-71, il n’en est pas de même de la main d’œuvre qualifiée. Cet exode est une conséquence du surpeuplement rural, lui-même dû à de nombreux facteurs, tels que la croissance démographique et la disparition progressive des usages communautaires qui, dans l’ancien système agraire, permettaient aux plus déshérités parmi les habitants des campagnes de subsister tant bien que mal. A cela s’ajouta la disparition de certaines industries rurales, qui seules avaient permis le maintien de population dans des zones d’agriculture pauvre (décadence de la sériciculture, ruine de certaines cultures industrielles concurrencées par des produits tropicaux : garance, oliviers), la baisse des prix agricoles, la crise du phylloxera… Et enfin la « révolution agricole » qui s’est traduite, entre autres, par un accroissement des rendements grâce à l’emploi de machines permettant aussi une diminution de main d’œuvre.

[12] Les troubles persistant du fait que la population était partagée sur la suite à donner à la guerre, Thiers transfère le gouvernement à Versailles ; Paris est alors aux mains des insurgés qui élèvent des barricades. La Commune proclame la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la lutte des classes, la laïcité des écoles publiques ; elle adopte le calendrier révolutionnaire et le drapeau rouge. Le gouvernement réagit le 21 mai 1871 : les troupes commandées par Mac-Mahon entrent dans Paris, et la Commune s’achève dans un bain de sang qui fera 30 000 victimes. Les derniers insurgés sont exécutés au cimetière du Père-Lachaise, au pied d’un mur connu plus tard sous le nom de « mur des fédérés ». Dans la paix retrouvée, deux tendances se manifestent de plus en plus dans le pays : une France de la tradition et de l’ordre moral soutenue par l’Eglise toujours très influente, et une France progressiste et anticléricale penchant vers le positivisme et la morale laïque.

[13] Alpinien MARGAINE, fils de Pierre MARGAINE, marchand de bois rue du Masgoulet, et de Jeanne MASSALOUX, épousa à Limoges, le 19 août 1852, Cécile LONGEQUEUE dite LELONG, cousine d'André PRUD'HOMME, avoué à la cour d'appel de Limoges. Il légua sa fortune à la ville de Limoges où un rond-point, situé près de la gare des Charentes, porte son nom. Il est inhumé, ainsi que son épouse, décédée à Vichy le 17 août 1903, dans une superbe concession funéraire située à l'entrée du cimetière de Louyat; d'où l'expression, propre à Limoges, encore en usage chez les vieux limougeauds : "Je ne suis pas pressé de passer devant Margaine". (Généalogie en Limousin n°31)

[14] Pendant la Révolution, seules quelques porcelaineries privées fonctionnent encore (5 en 1807) ; il y en a 16 en 1827, 24 en 1839, plus de 30 en 1850 (Généalogie magazine n°225) ; en 1859, Limoges compte 34 manufactures de porcelaine en activité, ainsi que 17 ateliers de peinture et 30 maisons de commission. En 1868, après la crise due à la guerre civile américaine, on compte à nouveau 34 manufactures. En 1882, "8000 ouvriers de toutes catégories, hommes, femmes et enfants, alimentent 101 fours répartis dans 41 fabriques et 62 ateliers de peinture…"

[15] Les grands voiliers de trois mâts et davantage (les américains construiront des voiliers de transport comptant jusqu’à sept mâts) règnent encore en maître sur les océans, malgré la concurrence des vapeurs qui se fait plus pressante ; ils mettent plusieurs semaines pour assurer les transports entre Nantes et New-York.

[16] Il faudra encore attendre quelques années pour que d'autres fabricants comme Pouyat, Haviland puis Guérin acquièrent la maîtrise complète de cette couleur.

[17] Machines inventées par l'ingénieur limousin François Faure à la veille de la guerre de 1870.

[18] Soit trois semaines après le mariage de sa fille Emma, alors âgée de 21 ans, avec Paul Eugène DEQUET, et trois semaines avant l’inauguration des deux premières lignes du tramway de Limoges, qui eut lieu le 6 juin. Il est inhumé avec son épouse au cimetière de Limoges, Louyat, dans la concession 1149 série 2, acquise en 1865, qui ne porte aucune autre inscription que « GIBUS ».

[19] D’après Paul Lajudie - Mémoire ouvrière, mémoire industrielle - p.44.

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